Monsieur
Maintenant que vous avez arraché une confiance mitigée de l'assemblée des représentants du peuple , il est absolument nécessaire d'écouter ceux qui ne vous disent pas ce que vous voulez entendre . Allez , un peu d'humilité , de disponibilité , de sens du sacrifice pour ne pas se retrouver du mauvais côté de l'aventure . Choisissez bien vos conseillers parmi les plus expérimentés qui mêlent à la fois rigueur et honnêteté , qui dénoncent les illusions de la classe politique et l'absurdité de son discours depuis plus de neuf ans :" car qui est en droit de vous rendre absurde est en droit de vous rendre injuste " , écrivait Voltaire .
Monsieur le chef du gouvernement ; écoutez les mécontents , ce sont " des pauvres qui réfléchissent " écrivait l'historien Ibn Abi Dhiaf dans son récit sur la révolution de Ali Ben Ghedahem chef de la tribu berbère de Majer (1864) . Criblés de taxes , de dettes , ces citoyens " d'en bas " se posent la même question sur la gestion du pays depuis presque dix ans en observant les taux record par rapport au PIB des prélèvements obligatoires , des dépenses publiques , d'endettement de l'État et plusieurs sortes d'impôts invisibles , aussi coûteux que vexants . S'il y avait un prix de la plus mauvaise gestion du monde ces dernières années , la Tunisie concourrait dans les premières places . Plus elle dépense plus elle fiscalise , moins ça marche . Pire , ce modèle dit " révolutionnaire" ne cesse de fabriquer de l'inégalité au nom de l'égalité . À observer notre économie qui repose dans un équilibre fragile sur de gigantesques pyramides de dettes et qui risque de s'effondrer et nous plonger dans une grave récession , on se demande comment vous allez réaliser le programme dont vous avez l'ambition ! Il n'est pas besoin d'avoir lu " la comédie humaine " de Balzac (plus de quatre-vingt-dix romans et nouvelles ) ou au moins deux d'entre eux :" illusions perdues " et " splendeurs et misères des courtisanes " et de connaître les déboires de Lucien Rubempré (le héros balzacien finit ruiné par les dettes) , pour savoir qu'on ne peut indéfiniment compter sur les dettes pour redresser une économie en faillite .
Monsieur ;
Vous avez appelé à respecter la constitution , mais une constitution ne vaut que par les hommes qui la mettent en mouvement . Une pratique dénaturée des institutions , représente un défi sans précédent pour la République à tel point qu'il pourrait en menacer la pérennité . Montesquieu recommande de ne toucher aux institutions que " d'une main tremblante " et dans " Gargantua " , Rabelais décrit une décision erronée " dont furent faites grosse guerres " car la réussite d'un haut responsable ne repose pas sur son efficacité seulement mais , aussi , sa capacité à réunir les citoyens .
L'avenir , Monsieur le chef du gouvernement , n'appartient pas à ceux qui joueront la carte de la victoire d'un" camp" sur l'autre mais à ceux qui sauront se montrer capables d'assumer " l'heure et le choix " , selon la belle formule de Raymond Aron , et à soumettre leurs ambitions au service du pays et non pas le pays au service de dirigeants saisis par la démesure .
À bon entendeur salut !
Mustapha Attia
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